Mes lectures du moment #3

Deux mois sans article. Vous… vous n’avez pas besoin d’en savoir plus.

Heartful Company tome 1 (one-shot) de Pierre Taki & Manga Taro : Que se passerait-il si un magnat de l’industrie militaire tentait de racheter ses mauvaises actions suite à un cancer en essayant de rendre son entreprise la plus gentille du monde, tout en sachant que ses acolytes dévoués foirent tout ce qu’ils entreprennent ? Vous avez un peu de mal à saisir ? Imaginez que, par exemple, dans le but d’améliorer le quotidien morose des habitants du Tiers Monde, ils décident de fleurir leurs terres arides en envoyant des missiles remplis de fleurs (idée déjà un peu bête à la base) et que malheureusement, ces fleurs sont interverties avec le virus Ebola. Voilà, c’est ce genre d’aventures qu’on va suivre dans cet unique tome, ce genre d’humour noir qui est la ligne directrice de tout ce qui arrive (en vrac kaijus végétaux, enfants violés, têtes décapitées…) et il faut clairement en être friand si Heartful Company vous intéresse. Personnellement, même si à la lecture je n’ai pas énormément ri, le fait d’imaginer des scènes avec un peu de recul me fait beaucoup rire. En plus, le dessinateur n’a pas lésiné sur les grandes cases, les doubles pages, et son trait très épais accentue les détails, notamment sur les visages ; ceci a probablement pour effet d’imprimer dans une zone du cerveau très précise des scènes qui sont parfois en plus répétées et répétées.

« Président méchant
Tente de se racheter
Synopsis du livre » Haïku, auteur inconnu mais talentueux.

Une collision accidentelle sur le chemin de l’école peut-elle donner lieu à un baiser ? tome 1 (one-shot) de Shintaro Kago : Difficile de parler de cet ouvrage puisque c’est un recueil d’histoires courtes (entre deux et une dizaine de pages) qui mêle à la fois érotisme, gore, humour et absurde. Le point commun de la plupart de ces récits est leur inventivité au niveau graphique (une histoire par exemple inverse les bordures blanches d’une page et les cases ce qui fait ce qui est dans la case, n’est plus et donc interagit avec ce qui est dans les autres cases, si vous n’avez pas bien compris, lisez) ou scénaristique (une autre détruit la suspension consentie d’incrédulité (qui pourrait se définir comme l’accord volontaire du spectateur/lecteur à s’immerger dans l’univers pour peu qu’on l’aide à y croire), histoire qui donne son nom au livre). Parfois, on ne peut même pas parler d’histoire, on observe juste comment l’auteur découpe un personnage ou le transforme en lambeaux. Evidemment, certains chapitres, c’est comme ça qu’est découpé le recueil, sont moins drôles, moins recherchés, moins tout, mais l’ensemble offre une très bonne expérience qui peut, selon les experts, consister en une entrée en matière soft dans le terrible monde de l’ero guro.

L’ero guro est un mouvement artistique japonnais qui mêle, comme son nom l’indique, érotisme et gore ; si à première vue ce mélange évoque le dégoût et le grotesque, il reste extrêmement intéressant à découvrir (mon cas) ou à étudier (les experts, encore). Et en vrai cette image c’est pas vraiment de l’ero guro, mais c’est dur de trouver des illustrations du manga. Et oui, c’est bien un immeuble transformé en hacheur à viande.

La fille de la plage (tomes 1 & 2) de Inio Asano : Un peu plus de deux ans que j’ai découvert Inio Asano avec Solanin, un peu plus de deux que je suis stupéfait et fasciné par sa manière d’explorer les Humains au travers d’événements simples et communs qui entrent étrangement en résonance avec les tréfonds de mon être. Et cette fois, sans surprises, ça a fait mouche… mais peut être avec encore plus d’intensité et de force. Pourquoi ? J’essayerai d’apporter des élements de réponse après. On suit la vie de la collégienne Koume qui suite à une déception amoureuse va vivre une relation strictement sexuelle avec Kosuke, un autre collégien qui à contrario de sa partenaire, est amoureux. C’est aussi un individu asocial qui après le suicide de son frère vit par et pour le site qu’il lui aurait légué. Leur relation va bien entendu évoluer, au rythme des vagues et du vent, tout comme leur rapports reflet de leur juvénilité (je rappelle que les personnages ont 14 ans, il se cherche encore un peu), mais aussi de leur précocité (à la fois physique et mental, les deux découvrant le « monde des adultes » de manière un peu agressive). Fait très intéressant, la mise en scène des actes sexuels est fonction de l’état d’esprit des personnages, plus ou moins intimiste et importante dans la durée. Les dessins d’Inio Asano, encore un petit cran au dessus, renforce l’aspect « voyeurisme » de l’oeuvre : il n’est pas là question d’uniquement avoir du sexe, mais aussi de s’immiscer dans les personnages sans identification, uniquement par observation. Ou tout du moins c’est comme ça que je l’ai ressenti. Et observer des personnages qui semblent empreints d’une mélancolie, qui donnent l’impression de ne jamais pouvoir être heureux, ça me donne l’impression d’observer une forme de reflet de ma personne (alors que pourtant dans ma vie tout roule plutôt bien). Et c’est ça précisément je crois, que je trouve incroyable.

Toujours troublé par ce manga, je ne peux que vous dire « lancez-vous » ! Sur ce, moi je retourne à ma lecture de Bonne Nuit Pun Pun (de Inio Asano aussi).

A bientôt pour de nouvelles joyeusetés !